Gérald Morin ricorda Federico Fellini: “E Simenon pianse per Casanova”

12 Dicembre 2019 Journal La Repubblica Dal set di « Roma », dove un giovane giornalista andava a caccia del suo mito, al lavoro di aiuto regista e molto di più. I ricordi di chi Federico lo conosceva benissimo di GÉRALD MORIN
Da giovane, quando ero assistente alla regia di serie televisive a Ginevra, volevo conoscere Fellini a tutti i costi e lavorare con lui. Per partire per la Città Eterna, dove stava girando Roma, colsi la scusa di un’intervista. Vi arrivai giovedì 29 luglio 1971, con il biglietto di ritorno già in tasca e appena il tempo sufficiente a trovare Fellini e ottenere da lui quell’intervista per Choisir, la rivista dei gesuiti ginevrini. Passai due giorni a cercarlo e scoprii che stava girando a Trastevere. Trascorsi due notti sul set, però senza osare avvicinare il Maestro. Alla fine, lunedì 2 agosto, alle 18.30, presi il coraggio a quattro mani e approfittai di una pausa tra due scene per passar sotto, senza farmi notare, ai cordoni della sicurezza. Molto intimidito, ma determinato a superare l’ansia, gli chiesi se potessi osservarlo durante le riprese, non riuscendo a formulare in altro modo la mia richiesta. Con lo sguardo tetro, un po’ infastidito, fissò senza riguardo il giovane barbuto con i capelli lunghi che gli stava di fronte, perché erano in molti a importunarlo sul set per ottenere lavoro. « E va bene, osservi pure! », rispose con modi bruschi. Lo presi in parola e, rinunciando a tornare in Svizzera, non lasciai più la troupe per parecchie settimane. A forza di vedermi, giorno e notte, dietro i cordoni – appartato in un angolo a prendere appunti, disposto quando capitava ad aiutare un assistente a fermare il traffico o un macchinista a spostare la sua attrezzatura pesante – prima mi mandò la sua segretaria di edizione e infine un’assistente per rivolgermi alcune domande. Alla fine, venne lui in persona a parlarmi, osservando con curiosità e qualche dubbio apparente tutti i block notes che andavo riempiendo coscienziosamente di schizzi e di appunti sulla sua regia. Dopo un mese, dato che me la cavavo abbastanza bene a parlare varie lingue, mi dette l’incarico di sbrigare la sua corrispondenza, in particolare la posta che gli arrivava dall’estero, e mi assunse come segretario privato. Durante il doppiaggio di Roma, tutti i martedì mi portava a casa sua, in via Margutta 110, a mangiare ottimi pasti in compagnia di Giulietta Masina. Infine,
C o m m e n t a
mi propose di scrivere articoli sui suoi film e, più avanti ancora, mi prese come secondo aiuto regista per Amarcord e Casanova. Ho trascorso sei anni al fianco di Fellini in quel periodo d’oro della sua creatività che ha dato vita alla trilogia della maturità, quella grande autobiografia immaginaria interamente ricostruita. Un lungo viaggio iniziatico tra Roma, quella metropoli allo stesso tempo reale e reinventata dal 1939 al 1970; Amarcord, in quella Rimini provinciale cullata di ricordi nostalgici ma anche agrodolci dal 1934 al 1935 e infine Casanova, attraverso un viaggio in un’Europa del XVIII secolo che evocava un avvenire senza futuro, con un FelliniCasanova invecchiato e disilluso che, con quella fiction molto personale, affrontava con grande inquietudine il suo stesso avvenire. Talvolta, Fellini mi chiedeva di rispondere al posto suo alle interviste scritte. « Sai benissimo quello che direi, quindi fai tu ». All’ultimo momento aggiungeva un piccolo tocco personale al tutto. Ho trascorso così sei lunghi anni a leggere, selezionare e rispondere alle lettere in arrivo da ogni continente, come quando Luis Buñuel gli raccontò di quanto piacere avesse provato vedendo Roma; o quando Maurice Béjart si diceva molto colpito dall’aver visto Amarcord a Milano; o quando Georges Simenon dichiarava di aver pianto durante la proiezione di Casanova. Ho trascorso così sei anni cercando, per il grande regista, gli interpreti più impensati. La donna più alta del mondo (2 metri e 32), individuata negli Stati Uniti. Una ballerina di night-club, splendida nera, scomparsa all’improvviso dalle pagine di Playboy da una decina d’anni che, alla fine, scovai in Svezia, incinta agli ultimissimi giorni (e Fellini mi accusò beffardamente di averla messa io in quello stato, così che non potesse girare per il suo film). Un attore scomparso nel nulla e riapparso soltanto dieci anni dopo, quando uscì di prigione. Annunciai la morte di un altro commediante a Fellini, ma quest’ultimo, non credendoci, mi obbligò a continuare le mie ricerche, dicendo: « Non si sa mai! ». Ah, stavo quasi per dimenticarmi! Non ottenni mai l’intervista da Fellini. Non fece che rimandarla da un giorno all’altro.
Gérald Morin évoque ses six années avec FELLINI
Site d’information suisse LE TEMPS 24 mars 2013
Le déjeuner se devait d’avoir des couleurs italiennes. Le Via Veneto a fermé pour se replier, avec affiches et photos de cinéma, sur la Grappe d’or. Gérald Morin est déjà là, assis, à côté de la cheminée, et le patron, d’une parfaite élégance de latin lover, est déjà à ses côtés. Ils parlent déjà de Fellini, de Roma , précisément, avec son fameux défilé de mode ecclésiastique, d’une drôlerie féroce et toujours d’actualité en ce jour où ça fume au Vatican
Fellini est grand, et Gérald Morin est son prophète. Les gens qui rencontrent pour la première fois ce chauve volubile au regard empathique et curieux se demandent à quelle sorte d’affabulateur ils ont affaire. Il a bel et bien été le secrétaire et l’assistant du cinéaste mythique, des photos de tournage et des dessins de Fellini le confirment
Le jeune Gérald Morin étouffait dans son Valais natal et son milieu familial. L’évasion passe par le grand écran. Lorsqu’il voit Huit et demi, il découvre, aux antipodes du corsetage bourgeois, un monde de doute où tout est à construire. Collégien, il rêvait d’être prof de littérature, de travailler avec Sartre ou Camus. Sur le versant du cinéma, il est attiré par Arthur Penn, Andreï Tarkovski, et Fellini bien sûr
Mais la théologie l’appelle. Il entre chez les jésuites. Pendant son noviciat, il travaille en usine ou en hôpital psychiatrique. Il suit aussi des cours de cinéma et monte des ciné-clubs. Il propose d’aller à Rome faire une interview de Fellini pour la revue Choisir
Le cinéaste remet toujours l’entretien au lendemain. Gérald Morin s’incruste. Au bout de trois semaines, Fellini lui donne le statut d’observateur, puis lui confie son courrier. Il lui fait écrire des petits riens qui l’amusent, comme dans Roma, où les «Petites sœurs de la Tentation du Purgatoire» sont de sa plume. Il lui confie enfin un poste de second assistant et l’associe à trois films majeurs des années 1970, Roma, qui évoque un présent tumultueux, Amarcord, qui remonte dans le temps de l’enfance, et Casanova, qui se projette dans un avenir mortifère
Gérald Morin avait 27 ans quand il est arrivé à Cinecittà; Fellini en avait 51. Il est mort en 1993. Nombre de ses collaborateurs ont disparu. Pour se souvenir de l’âge d’or du cinéma italien, Gérald Morin a réalisé Sur les traces de Fellini. Retournant à Rome, il a retrouvé les survivants de l’épopée, les derniers témoins. Des stars, comme Giuseppe Rotunno, directeur de la photo, Dante Ferretti, décorateur, Magali Noël, qui joue la «Gradisca» dans Amarcord. Et d’autres, comme Alvaro Vitali, second rôle emblématique, Nando Orfei, clown, Maurizio Millenotti, costumier, et encore le coiffeur et la patronne du bistrot
«On ne peut pas parler de Fellini sans parler de Nino Rota. Il y avait une alchimie merveilleuse entre les deux.» Comme le génial compositeur nous a quittés, c’est Galliano qui l’invoque sur son accordéon. Gérald Morin se souvient avec émotion de sa première rencontre avec Nino Rota: il lui avait joué au piano toutes les mélodies composées pour Fellini, un «merveilleux cadeau»
Les crostini refroidissent. A deux reprises déjà, la serveuse est venue voir s’il était temps d’amener les polpette di manzo. Gérald Morin parle à en perdre le souffle. Stop! Pause! Silence! Mangeons! Il réussit à se taire pendant 7 secondes, avant de redémarrer, flux irrépressible d’anecdotes cocasses et d’histoire du cinéma
Fellini le grand bugiardo (menteur) qui ne «rougissait que lorsqu’il disait la vérité». Fellini qui n’appelle jamais personne par son nom, inventant de doux diminutifs ou estropiant les patronymes par besoin de s’approprier les gens. Fellini qui n’aimait pas la télé, les intellectuels, le tabac, la musique, au contraire de Giulietta Masina, sa compagne, l’inoubliable interprète du petit clown de La Strada
Fellini qui, en guise de scénario pour La Dolce Vita, donne à Marcello Mastroianni un cahier de feuilles blanches et un dessin représentant un homme dans une barque cerné par des sirènes aux gros seins. Fellini qui ne se soucie guère de l’argent: méprisant une proposition de Playboy , 1 million de lires pour dix dessins érotiques, il préfère passer une heure à dessiner ses camarades de classe en réponse à la lettre d’un petit garçon
Fellini, cinéaste sans héritier: «Il n’a pas engendré de réalisateur. Breughel a des suiveurs, Jérôme Bosch non. Les prophètes n’ont pas de fils. Moïse n’a pas de fils. Jean XXIII n’a pas de successeur. Ce sont des êtres uniques, le moule est cassé. Avec Visconti, tu peux apprendre le cinéma. Pas avec Fellini. Avec lui, j’ai appris le casting, j’ai appris à rencontrer les gens, à les écouter.
Fellini que Gérald Morin, «ayant grandi», a fini par quitter pour voler de ses propres ailes, comme journaliste et producteur ( Le Nom de la rose , Chronique d’une mort annoncée …). «Les trois plus belles périodes de ma vie, c’est mes neuf années avec les jésuites, mes six années avec Fellini et les trente avec ma femme», conclut-il
Sur le pas de la porte du restaurant, nous devons rentrer admirer une belle photo en noir et blanc. On y voit Anna Magnani riant sur l’épaule d’Alberto Sordi. Cette image pleine de grâce et de nostalgie appelle une dernière anecdote pour la route
Fellini avait fait venir la Magnani sur le plateau de Roma. Pour flatter la star, il imagine un stratagème: Geraldino va passer pour un journaliste des Cahiers du cinéma, venu de Paris. Morin qui, selon les humeurs du Maestro, a déjà joué un critique du Guide Michelin ou passé pour le confesseur attitré du cinéaste, accepte la supercherie. Mais, à malin malin et demi, sachant que le patron a tenu un petit rôle (non crédité) dans L’Amore de Rossellini, auprès d’Anna Magnani, il lui demande ce qu’elle pense des talents de comédien de Fellini. Qui explose: «Gérald, je ne t’ai pas demandé de poser cette question»
«Fellini n’a pas engendré de cinéaste. Les prophètes n’ont pas de fils»….»